Hommage à Maya Hickmann - Témoignages

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Témoignages

    Maya Hickmann, Directrice de Recherche au CNRS, ancienne co-directrice du laboratoire SFL, brillante psycholinguiste nous a quittés hier soir. Tous ses collègues et amis s'associent au chagrin de ses proches et leur transmettent leurs condoléances. Nous gardons le souvenir très fort de "notre" Maya à SFL et nous nous rappelons de comment elle a généreusement et si brillamment nourri l'aventure SFL ainsi que nos vies intellectuelles et les domaines de recherche où elle a apporté pendant des années une expertise internationalement reconnue.  Nous nous rappelons aussi de combien elle était drôle et attachante, et de combien nous l'aimions. Sophie Wauquier

    Je me joins par la pensée et le cœur à la Famille et aux proches de Maya pendant ce moment des obsèques.  Ses écrits (découverts dans les séminaires d'équipe des acquisitionnistes de P8 en 1996) m'ont guidés pendant mes premiers pas en tant qu'étudiante en France il y a 22 ans. Mon contact de travail avec elle a été pendant la constitution du corpus CREAGEST en 2008. Avec beaucoup de générosité, elle nous rendait disponible des  stimulis visuels pour recueillir la LSF enfantine. C'est là qu'elle nous a raconté que le stimuli visuel "HISTOIRE DU CHEVAL" avait été dessiné par son frère. Belle époque où les réseaux et l'envie de transformer par la recherche passaient artisanalement par les amis et même les membres de la famille. Cette histoire a été ensuite racontée et étudiée en nombreuses langues (vocales et gestuelles). Cette histoire en images s'envolait pour le Brésil en 1997 pour la constitution de mon premier corpus LIBRAS sous la direction de Clive Perdue. J'aime imaginer Maya partir en PAIX montée sur un cheval ailé doré... libre et sans blessures. Ses travaux et ses écrits s’éternisent ici pour ceux qui continueront dans le champs de la recherche en acquisition du langage chez l'enfant. Puissions-nous continuer à réveiller l'expression du mouvement dans les langues du monde en corps, en signes et en sens. Ivani Fusellier

    What absolutely awful news!  Maya was such a gem of a person, a colleague, a researcher, a teacher.  We first got to know each other in Nijmegen, decades ago; shared so many interests, languages, goals.  And in Paris she was so supportive of Nini and of my ventures into sign language research.  And, of course, we shared an obsession with motion events and their expression across languages, in child language.  I can't believe she's not there. Thank you for giving us the sad news, I know how hard this is for you and your French friends and colleagues, as well as Maya's students. Dan Slobin

    Aujourd’hui, je ne pense pas à Maya comme la chercheuse et dirigeante hors pair qu'elle était, bien que la perte pour le monde universitaire soit immense. Mes pensées vont plutôt à la femme chaleureuse et inspirante que j'ai eu la chance de connaître en tant que collègue et amie. Son esprit, son intégrité, sa force, sa générosité, et son sens de l'humour infini me manqueront plus que je ne saurais dire. Marianne Gullberg

     J'ai côtoyé Maya pendant plusieurs années: elle a dirigé ma thèse d'HDR, on a collaboré étroitement pour la revue LIA, dans l'ANR Langacross, et dans d'autres événements scientifiques à Paris 8/SFL. A chaque fois j'ai aimé sa manière de travailler, d'encourager et tout simplement sa compagnie. J'ai beaucoup appris d'elle sur le plan scientifique, mais surtout je l'ai toujours appréciée énormément du point de vue humain. C'était vraiment une très belle personne qui m'a beaucoup marquée et qui va beaucoup me manquer. Sandra Benazzo

    Bien que travaillant sur un domaine de la linguistique très différent du mien, Maya a fait la différence pour ma thèse, encore plus au niveau humain que scientifique. Grâce à elle, lors d'un diner sur la plage pendant l'école d'été de Biarritz, j'ai trouvé la motivation pour poursuivre ma thèse et pour venir passer le reste de ma vie en France, où je suis finalement devenue MCF. Je n'oublierai jamais son sourire accueillant à toute occasion. Claudia S. Bianchini

    Par ce petit mot, je voudrais exprimer toute ma peine ainsi que mon immense gratitude pour tout ce que Maya m’a apportée, humainement et académiquement. Je l’ai connue tardivement, lorsque mon propre directeur de thèse, Clive Perdue, est décédé. Elle a en quelque sorte pris le relais et je lui sais gré d’avoir su me guider et m’encourager à poursuivre mes recherches. Je garde d’elle l’image d’une chercheuse rayonnante, avec un sourire vrai. Pascale Trévisiol

    Linguiste, travaillant sur l'acquisition des langues, j'ai rencontré Maya au M.P.I de Nimègue, dans les années 80. Depuis nos parcours de travail se sont souvent croisés. Dans la dernière période, c'était au sein de la rédaction de "Langage, Interaction et Acquisition", journal scientifique que Maya a défendu avec acharnement, que nous avons collaboré. Grâce à son travail incessant, cette revue a atteint une excellente qualité et une réelle notoriété scientifique. Je tiens à témoigner auprès de vous et de votre famille des exceptionnelles qualités de rigueur, d'intelligence et d'humanité dont Maya a su faire preuve sa vie durant. G.D. Véronique

    Maya nous a quittés, après avoir lutté pendant des années, avec une pugnacité et un courage inouïs, contre la maladie, déjouant jusqu'ici tous les pronostics des médecins. On avait beau savoir qu'elle était malade, la peine est grande. Maya était belle, brillante, courageuse, travailleuse, droite et drôle tout à la fois, infiniment attachante et précieuse. Après Liz Bates et Melissa Bowermann (qui était très liée à Maya) notamment, la psycholinguistique a perdu tant de femmes magnifiques dont la disparition prématurée nous crève le coeur. Stéphane Robert

    J’ai rencontré Maya en 2007, lorsqu’elle est arrivée à SFL lors de la création du laboratoire de Pouchet. Elle a assisté à ma soutenance de thèse (particulièrement féroce), et m’a soutenue par des mots encourageants. Elle m’a par la suite intégrée aux projets LANGACROSS, et j’ai eu le plaisir de la côtoyer lors de nombreuses réunions de travail. Je travaille encore aujourd’hui à partir des supports et outils de codage qu’elle a développés, et qui me sont d’une aide précieuse. Je garde avec moi sa chaleur humaine, sa voix, son sens de l’humour, son rire, et son immense expertise dans notre domaine de recherche. Elle fait partie des personnes que l’on n’oublie pas. Pascale Leclercq

    Maya was a wonderful colleague and collaborator. Maya's encouragement and support for our collaboration and my research helped me enormously particularly when I moved from San Diego to University of Vienna. In my research I continue to be inspired by her depth and thoroughness of linguistic theory and methodology. I will miss her very much both personally and professionally. Soonja Choi

    Maya m'avait accueilli dans son labo en 2008 et m'a soutenue jusqu'à la soutenance de mon Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) dont elle faisait partie du jury en décembre 2013. Je me souviens de ses remarques précieuses, toujours dites sur un ton bienveillant et souvent avec de l'humour, ce qui donnait lieu à une discussion fluide et agréable. Et encore en 2017, elle m'a conseillé, par mail, sur un projet de recherche européen que je pense soumettre. Elle s'y est engagé entièrement, très à l'écoute et avec des commentaires que j'ai absorbés comme une éponge...alors qu'elle se battait contre sa terrible maladie. Elle a aussi proposé qu'on finisse un article  sur l'espace en suédois, ce qu'on n'a pu faire, mais que je vais vite finir en le co-signant évidemment avec Maya, en sa mémoire. Maya avait cette capacité très rare d'être extrêmement pertinente et en même temps très généreuse chaleureuse. On se sentait bien dans sa compagnie, elle créait de l'harmonie autour d'elle. Quand je relis nos échanges, les larmes coulent à flot, mais je suis aussi très heureuse d'avoir connu et travaillé avec une si belle personne. Elle était exceptionnelle Je la porterai toujours dans mon cœur. Maria Kihlstedt (une des personnes de son "contingent suédois")

    En tant que collègue en acquisition du langage j'ai depuis longtemps admiré Maya pour son intelligence, sa compétence, son originalité de pensée et pour le sérieux de son travail de recherche. Mais dans les trois-quatre dernières années j'ai pu apprécier sa qualité et sa capacité de travail de très près en tant que co-autrice du dernier volume édité qu'elle tenait tant de finir et voir publié. Ce qui a été chose faite! Pendant ces années là -- tout en faisant face à sa maladie --elle s'est toujours montrée une travailleuse dédiée, ne laissant rien passer et toujours soucieuse de produire la plus haute qualité de travail possible. L'exigence du travail bien fait ne négligeait toutefois pas la qualité des relations humaines avec nous, co-autrices, mais aussi avec les auteurs qu'elle a parfois grandement soutenu en vue d'atteindre leur but. Edy Veneziano

    Je suis une de ses collègues et nous avons beaucoup travaillé ensemble sur un projet il y a quelques années, nous étions toujours en contact à propos d’un article sur les enfants aveugles et j’avais bien compris qu’elle était très gravement malade, malgré sa pudeur à ce sujet. C’était une collègue extrêmement brillante, exigeante, d’une efficacité redoutable, capable d'une puissance de travail incroyable. Je l’admirais beaucoup. Nathalie Lewi-Dumont

    On ne se connait pas, mais depuis 2005 j'ai un peu collaboré avec Maya dans divers réseaux (GDR sur l'acquisition, TGR corpus et multimodalité). J'avais une profonde admiration pour ses engagements, sa capacité à faire collaborer et travailler les gens, le tout avec une modestie qui n'avait d'égal que sa gentillesse et son dévouement. Avec Harriet Jisa, elle représentait pour moi un modèle. Enfin et surtout, dans mon domaine, celui de l'acquisition du langage, son apport est sans égal et l'ouvrage qu'elle a publié en 2003 (entre autres publications) est et restera une référence majeure pour comprendre les processus acquisitionnels en regardant au-delà du lexique et de la syntaxe. Je crois qu'il n'y a pas une seule de mes modestes publications sur l'acquisition qui ne mentionne pas son ouvrage ou certains de ses articles. Je suis d'ailleurs très fier d'avoir vu un de nos articles publiés dans le dernier ouvrage qu'elle a co-dirigé avec Hariett et Edy Veneziano. Bref, c'est une immense perte, et même si on pouvait s'y attendre, la nouvelle a été bouleversante. Jean-Marc Colletta

    It has been many years since our time together in Chicago, but Maya always remained as a salient part of my memories of the intellectual and social communities we shared. I can still hear her talking excitedly about language issues—always insightful and always collegial. I also have fond memories of her lively presence at the many after-hours events we shared. I still hear her saying “ooph” as she dove into each new exchange. One measure of her warmth was the welcome that she gave to us when we visited Paris several years ago. We hadn’t seen each other in many years, but I felt like we were picking up right where we left off, and that was in large part because of Maya’s engaging manner. She was special. Addison Stone

    I really knew Maya through her years in Chicago. She was a doctoral student in the Culture and Communication program at the University of Chicago and eventually became a Ph.D. student of both Michael Silverstein and Carol Feldman. We also worked at  the Center for Psychosocial Studies founded  originally to bring together self-psychology and cognitive developmental psychology; there was a little branch then looking at language development, which Maya joined and would eventually head. Maya left for Nijmegen soon after she finished her dissertation but carried on the work in Europe, becoming a leading psycholinguist in France. Over her illness, I had the opportunity to look at some of her work, and what's remarkable is that although its roots are in her Chicago work, she was able to expand it to cross-linguistic work that touches upon the foundations of language. I'd like to think that was also how she led her life--building upon what was firm and solid and nurturing it into a personal and professional life that was richly rewarding not only to her but everyone she touched. Ben Lee

    Maya was simply a wonderful presence for those of us who knew her during her years in Chicago.  She was brilliant, funny, sympathetic, and a good and dependable friend.  She was also a brave young woman.  For those of us who were already comfortable with the crazy milieu called the University of Chicago, it was hard to appreciate how much courage it took for someone like her to overcome the seemingly normal trials and tribulations of going through a PhD program there. All of us found the process difficult and intimidating, and Maya did, too, but she had the strength to admit this and then to go on to do what it took to pursue her life’s goals.  The result was a set of ingenious insights that have helped all of understand the mysteries of language and the human mind. There are few colleagues one encounters in a career who leave us with such profound, positive memories as Maya did.  Jim Wertsch

    She will always be in my heart, as a friend, a mentor, and someone who made being a researcher fun for me. I will miss her more than words can express. Henriëtte Hendriks

    J'aurai toujours un souvenir ému de Maya, de sa vivacité d'esprit, de sa chaleur et de son souci des autres. L'écho de son rire sonne encore pour moi, et continuera. Sarra El Ayari

 

Discours cérémonie

L’évènement qui nous réunit aujourd’hui était hélas attendu. Mais c’est un attendu qui nous laisse désemparés, saisis d’un profond sentiment d’injustice. Pour moi, la disparition de Maya que je connais depuis les années 80, c’est d’abord un grand désarroi que je vais tenter de surmonter en convoquant mes souvenirs d’elle, en essayant de restituer quelle belle personne elle était, généreuse, créative, d’une vitalité sans pareille, toujours prête à entreprendre sans se ménager, à tout reprendre s’il le fallait jusqu’à la perfection.

Le métier de chercheur auquel Maya a consacré une grande part de sa vie réclame des temps de nécessaire solitude, le temps de la concentration, celui de l’invention ou de l’écriture mais le chercheur se nourrit aussi de son environnement scientifique et sociétal. La conscience aigüe du caractère collectif de la recherche m’est rapidement apparue comme une dimension fondatrice du parcours scientifique de Maya. Je crois que pour Maya, l’aventure de la recherche, avec ses doutes, était d’abord une affaire de passions partagées : passion pour l’élaboration et l’engagement théorique mais aussi passion pour le recueil des faits.

Notre première rencontre a eu lieu à Paris, alors que Maya rentrait en France après des études de psychologie du langage à l’Université de Chicago et l’obtention d’un PhD consacré au développement des compétences narratives. J’ai gardé de cette rencontre le souvenir d’une jeune femme lumineuse, chevelure blonde et regard bleu. En 1981, elle part à Nimègue pour rejoindre l’Institut Max-Planck de Psycholinguistique (le MPI) qui venait d’y être créé et qui doit, dès lors, relever le défi de devenir la référence mondiale et incontournable du domaine. Recrutée sur le thème de l’acquisition du langage, Maya va y rester 10 ans jusqu’en 1991. Elle va contribuer à relever le défi en acquérant une solide réputation internationale qui ne cessera de se renforcer tout au long de sa carrière. Des moyens matériels et humains considérables, des relations scientifiques du plus haut niveau, une grande convivialité réglée par des événements festifs, voilà ce que trouvaient au MPI les chercheurs en poste et ceux, qui venaient collaborer avec eux sur des projets, grâce aux échanges entre le CNRS et l’Agence allemande de la recherche.

Je dois personnellement à Maya et à quelques autres chercheurs d’avoir fréquenté régulièrement pendant plus de 10 ans, ce lieu emblématique, resté unique au monde dans le domaine de la psycholinguistique.

Au MPI, Maya a, entre autres, développé des travaux novateurs de comparaison entre les langues (y compris le chinois) dans divers thèmes concernant la référence discursive et entamé une collaboration étroite avec Henriette Hendriks, spécialiste de l’acquisition des langues secondes, collaboration qui s’est poursuivie jusqu’ à une date très récente alors même que Maya affrontait avec un immense courage, des souffrances qui ne lui laissaient que peu de répit.

Son contrat au MPI achevé, les impératifs familiaux, la naissance de sa petite fille Clara ont, heureusement pour nous, infléchi le parcours de Maya. En 1992, elle est brillamment intégrée au CNRS dans mon équipe, au sein du Laboratoire de Psychologie Expérimentale de Paris 5. Quelques années plus tard, partir de 1995, elle va participer avec l’énergie qu’on lui connaît à la création d’abord à Paris puis à Boulogne, d’un nouveau laboratoire de Paris 5 associé au CNRS, le Laboratoire Cognition et Développement que j’ai eu l’honneur de diriger pendant une douzaine d’années. Dans ce laboratoire, elle a, à tour de rôle avec Dominique Bassano, assuré la direction de l’équipe Psycholinguistique développementale. Au cours de toutes ces années, Maya a soutenu son HDR et est devenue en 2000 Directrice de recherche au CNRS. Forte des réseaux scientifiques qu’elle a su construire et animer avec beaucoup de talent et de détermination, elle a engagé l’exploration d’un thème interdisciplinaire de grande envergure, celui des relations entre le Langage et la Cognition, à travers le développement du langage spatial, depuis son émergence jusqu’aux dysfonctionnements chez l’adulte. Publications, Co -organisations de colloques internationaux, obtention de nombreux contrats, organisation du GDR ADyloc, outil de visibilité de la recherche sur l’acquisition du langage en France, encadrement de thèses. Pour le dire en condensé, Maya a été présente sur tous les fronts sans exception. Même celui du rire et des fous rires.

En 2005, de très graves turbulences institututionnelles à l’Université de Paris 5 ont fragilisé grandement le langage et l’alliance entre psychologie cognitive et linguistique que représente la Psycholinguistique. Maya, avec d’autres collègues – dont Clive Perdue alors directeur du laboratoire CNRS Structures formelles du langage à Paris 8 - ont eu la lucidité d’analyser cette situation critique et le courage de comprendre que la psycholinguistique devait continuer mais ailleurs.

A l’issue d’un processus complexe impliquant tous les acteurs, de nouveaux locaux d’expérimentation et des bureaux ont été attribués pour cette opération au Centre Pouchet.

En tant que Directrice Scientifique Adjointe pour la Linguistique et les Sciences Cognitives au CNRS, en charge du dossier dit Pouchet, je sais que l’on peut remercier Maya et Clive d’avoir permis l’émergence d’un laboratoire élargi, mieux préparé aux difficiles enjeux de l’interdisciplinarité.

En terminant l’évocation de cette partie du magnifique parcours de Maya, pour nous qui sommes fiers de notre discipline, qui sommes fiers d’avoir connu Maya, c’est non seulement une grande scientifique qui vient de nous quitter mais une amie chère, une personne généreuse, attentive aux autres et qui aimait tant la vie.

Moi, je garde vivante l’image de la femme lumineuse que j’ai rencontrée et qu’elle n’a cessé d’être, fidèle à elle -même et fidèle aux autres.

Michèle Kail

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