17h00
visioconférence & Pouchet Salle 124
Fabrice Georger (La Réunion)
Pratiques langagières réunionnaises (adultes et enfants): analyse du système verbal en situation de contact de langues (résumé)
Mideline Dragon Jules-Saint (UMR 7023/FLA)
Typologie des constructions de degré : cas du créole haïtien et du luganda (résumé)
Résumés
Fabrice Georger (La Réunion)
Pratiques langagières réunionnaises (adultes et enfants): analyse du système verbal en situation de contact de langues.
La parole réunionnaise est souvent qualifiée d’hybride où créole et français sont en contact. Tout en nous inscrivant dans le cadre de l’approche de Prudent (1981, 1993), nous constatons une grande stabilité du système verbal dans les paroles en français ou en créole, alors que les éléments lexicaux et phonologiques explorent toute la zone interlectale.
Nous commencerons par présenter rapidement le système verbal du créole réunionnais en nous inspirant des principaux travaux réalisés par Carayol et Chaudenson (1978, 1979), Cellier (1985a, 1985b), Ramassamy (1985), Staudacher-Valliamée (2004), Watbled (2021).
Extrait du tableau sur l’organisation du système verbal réunionnais à la troisième personne du singulier, présenté par Lebon-Eyquem (2007:311) (C=Cellier, CH=Chaudenson, S= Staudacher-Valliamée) (voir pdf).
Nous discuterons ensuite d’exemples récoltés dans des situations de communication différentes. Nous décrirons le macro-système de communication, le répertoire plurilingue réunionnais d’adultes, dans un quartier très créolophone, et nous montrerons comment se manifeste la grande stabilité du système verbal.
Exemple d’énoncés interlectaux authentiques transcrits dans une graphie française (1) et créole à base phonologique (2) : (1) « Parce que la plupart des enfants quand i sava dans in bureau ou n’importe où, avec une dame i exprime aèl en français, na du mal à exprime azot ». (2) « Parseke la plupar dé zanfan kan i sava dan in buro ou ninport ou, avèk une dame i èksprime aèl an fransé, na du mal a èksprime azot ». Le même exemple retranscrit selon un créole normé/soutenu/académique : (3) « Akoz la plipar bann marmay kan i sava dan in buro oubiensa ninport ousa, sanm in madame i koz an fransé, zot na du mal/zot lé malizé/ zot lé o bout pou kozé ». Traduction. Parce que la plupart des enfants quand ils vont dans un bureau ou n’importe où, avec une dame qui s’exprime en français, ils ont du mal à s’exprimer. |
Nous proposerons aussi une analyse de la parole d’enfants (du même quartier, de fin de l’école maternelle, où les réalisations du système verbal sont parfois différentes de celles des adultes) influencée par la situation de communication. Nous tenterons de distinguer deux types d’énoncés : des énoncés qui relèvent de phénomènes d’interlangues dans un contexte d’apprentissage et ceux qui se rapprochent du langage enfantin en construction. Ici aussi le système verbal du créole sera au centre de notre présentation.
Enoncés étant du langage enfantin en construction en créole : (4) Té navé gato pour « navé gato » (il y avait des gâteaux) (5) Té nana in bato pour « navé in bato » (il y avait un bateau) (6) Tavé bann ti poison pour « navé bann ti poison » (il y avait des petits poissons) (7) Mi na bégné moin pour « moin la bingn amoin » (je me suis baigné) (8) Na éténé pour « nou la étinn » (nous avons éteint) |
Enoncés proches des mécanismes de l’interlangue (créole vers le français) : (9) je sais gin- koz en français pour « je sais parler en français » (10) j’ai prann pour « j’ai pris » (11) j’ai prann mon bain pour « j’ai pris mon bain » (12) j’ai brossé mon dan pour « je me suis brossé les dents » |
Références :
- CARAYOL, Michel, et CHAUDENSON, Robert, 1978, « Diglossie et continuum linguistique à La Réunion », in Les français devant la norme, GUEUNIER, Nicole, et collègues, Paris, Champion, pp. 175-190.
- CARAYOL, Michel et CHAUDENSON, Robert, 1979, « Essai d’analyse implicationnelle d’un continuum linguistique », in WALD, P., MANESSY, G. (éds.), Plurilinguisme, normes, situations, stratégies, Paris : L’Harmattan, pp 129-174.
- CELLIER, Pierre, 1985a, Description syntaxique du créole réunionnais: essai de standardisation, Thèse de doctorat d'Etat, Université de Provence, 752 pages.
- CELLIER, Pierre, 1985b, Comparaison syntaxique du créole réunionnais et du français, Saint-Denis/Paris : Université de la Réunion, 203 pages.
- LEBON-EYQUEM, Mylène, 2007, Une approche du développement langagier de l’enfant réunionnais dans la dynamique créole-français, Université de La Réunion.
- PRUDENT, Lambert Félix, 1981, « Diglossie et interlecte », in Langages, n° 61, GRECO, ERA 754, CNRS, Université de Rouen Haute Normandie, Larousse, pp. 13-38.
- PRUDENT, Lambert Félix, juin 1993, « Pratiques langagières martiniquaises : genèse et fonctionnement d’un système créole », Thèse de Doctorat d’Etat en Sciences du Langage, Université de Rouen Haute-Normandie, 3 tomes, 679 p.
- RAMASSAMY Ginette., 1985, Syntaxe du créole réunionnais, analyse de corpus d'unilingues créolophones, Thèse de doctorat, Paris V, 405 pages.
- STAUDACHER-VALLIAMEE Gillette, 2004, Grammaire du créole réunionnais, Sedes, Université de La Réunion, Paris, 180 pages.
- WATBLED, Jean-Philippe, 2021, Essais de créolistique indianocéanique, Presse Universitaire Indianocéaniques, université de La Réunion, 470p.
Mideline Dragon (UMR 7023 - FLA)
Typologie des constructions de degré : cas du créole haïtien et du luganda
Dans la littérature, l’anglais est considéré comme une langue à degré car on y trouve ces différentes constructions de degré, avec un adjectif comme prédicat gradable : question de degré, phrase de mesure, équatif, comparatif de supériorité, superlatif, comparatif différentiel, subcomparatif. Suivant la classification de Stassen (1985, 2013) l’anglais est une langue à particle comparative avec son marqueur de paramètre than (1) tandis que le créole haïtien (CH) est une langue à exceed comparative avec son marqueur de paramètre pase (2) ainsi que le luganda avec son verbe singa (3).
(1) Sally is taller than Joe. (Beck & al., 2004 : 296, ex19)
(2) Ou te di mwen pi dous pase mango (haïtien)
2SG ANT dire 1SG MC ADJ MS mangue
‘Tu avais dit que je suis plus doux qu’une mangue’ (Triomec’s, Pou ki)
(3) a. Kizito asinga Kato obukulu
Kizito a-singa Kato o-bu-kulu
Kizito NC1-exceed Kato AUG-NC14-old
‘Litt : ‘Kizito exceeds Kato in oldness’
‘Kizito is older than Kato’
b. Kizito mukulu okusinga Kato
Kizito mu-kulu o-ku-singa Kato
Kizito NC1-old AUG-NC15-exceed Kato
‘Litt : Kizito is old exceeding Kato’
‘Kizito is older than Kato.’ (Bochnak 2013 : 116, ex 182-183)
Dans cette présentation nous voulons, premièrement voir si le CH et le luganda sont des langues à degré comme l’anglais en nous appuyant sur les paramètres établis par Beck & al. (2004, 2009) et deuxièmement, nous voulons analyser leurs marqueurs afin de faire ressortir leur similarité et leur différence étant des langues faisant partie d’une même catégorie, en nous basant sur les travaux de Bochnak (2013), Cabredo (2020).